Les personnes en questionnement professionnel ont en général une attitude ambiguë vis à vis des réseaux sociaux. Tant qu’ils ne sont pas en recherche, ils sont assez septiques sur l’utilité de ces réseaux. Le jour où ils commencent à chercher un poste, des questions se posent : « Dois-je m’inscrire sur les réseaux sociaux et surtout, lequel choisir ? ».
Aujourd’hui je fais appel à Yann Gourvennec, PDG de l’agence Visionary Marketing professionnel de la communication digitale. Il est directeur de programme du Master spécialisé « Digital Business Strategy » de l’école de Grenoble Management et l’auteur de nombreux ouvrages dont le plus connu est « La Communication Digitale expliquée à mon boss ».
Yann, ma première question est un peu générale : Faut-il être inscrit sur les réseaux sociaux lorsque l’on recherche un emploi, et quels en sont les avantages et les inconvénients ?
YG : Il faut, en premier lieu, savoir ce que l’on cherche. Si vous êtes à la recherche d’un poste, les réseaux sociaux permettent de mettre à la disposition de chacun des outils normalement réservés aux professionnels. Il faut, cependant, bien les utiliser.
MG : En travaillant avec mes clients, je distingue deux types de population, ceux qui n’osent pas, et ceux qui veulent à tout prix y être. La troisième population comprend des personnes qui ne savent pas très bien comment faire pour utiliser ces réseaux efficacement.
YG : Pour les professionnels qui sont à la recherche d’une image pour eux-mêmes ou qui veulent communiquer cette image, les médias sociaux vont jouer un rôle exceptionnel. Les médias sociaux sont des outils de contenus. Il faut établir son spectre de compétences, soit en faisant un CV (en expliquant en quoi nous sommes compétents), soit en ne faisant aucun CV mais en apportant la preuve que nous sommes compétents dans tel ou tel domaine.
MG : Dans quel média social conseillez-vous de s’inscrire ?
YG : Tout dépend de vos compétences et de votre capacité à croire en vous. J’ai dernièrement conseillé à une jeune fille qui avait réellement envie d’apprendre, de créer un blog où elle exposerait son savoir et son savoir-faire. Même si cela n’est pas réellement un CV, elle a trouvé rapidement un emploi.
MG : N’y-a-t-il pas un phénomène d’usure à partir du moment où l’on communique beaucoup sur ces médias ? Comment maintenir l’intérêt de l’auditoire ? Transition ou l’art de valoriser votre transition personnelle.
YG : Certaines personnes communiquent peu mais efficacement. Cependant, il y a besoin d’un certain nombre de publications pour être visible. Pour quelqu’un qui souhaite se positionner ou se repositionner, il faut nécessairement investir du temps et de l’énergie. Ce n’est pas en créant un simple profil sur LinkedIn que l’on trouve un emploi.
MG : Faut-il par exemple « liker » des commentaires et se rendre ainsi visible ?
YG : Dans notre jargon nous appelons cela la curation, ce qui consiste à republier le contenu d’un autre. Il faut le faire, cependant cela ne remplacera jamais un contenu riche, où l’on parle de son savoir-faire.
MG : À partir de combien de followers peut-on juger que l’on dispose d’une véritable présence?
YG : Ce n’est pas une question de followers. Il y a d’ailleurs une statistique intéressante sur le nombre de « Dunbar, » c’est à dire le nombre de personnes que nous pouvons gérer dans un réseau humain, et qui est de 300. Il y a donc un intérêt à agrandir son réseau, car ces 300 personnes, nous les avons déjà dans notre carnet d’adresse. Sur un réseau social, vous disposez de trois choses : le réseau potentiel, le réseau passé et le réseau actuel. Le réseau potentiel est le plus important car c’est là que vous allez trouver des liens faibles, l’aide nécessaire pour trouver un emploi. Le fait de conseiller pour un poste quelqu’un que l’on connaît peu, est moins impliquant que si l’on recommande un ami.
MG : D’après mon expérience, les personnes de votre réseau passé vous connaissent dans un certain type de métier, dans certaines fonctions et ont donc du mal à vous recommander pour autre chose que ce que vous avez déjà fait.
YG : En effet, la théorie des liens faibles est donc très importante, et montre l’importance des réseaux et médias sociaux qui servent à rencontrer des gens que vous ne connaissez pas.
MG : Quelles sont les 3 erreurs à ne pas commettre lorsque l’on débute une démarche de communication digitale personnelle?
YG : Tout d’abord, il ne faut pas « y être pour y être » et juste faire de la figuration. Ensuite, c’est penser qu’en ayant lu un livre, vous avez tout compris. Il faut avant tout pratiquer régulièrement. La troisième erreur est de « faire le mendiant » avec la mention « en recherche active », qui donne une image défavorable au recruteur. Il est préférable d’impliquer sa compétence principale et quelque chose de valorisant.
MG : Au bout de combien de temps est-on un « pro » des réseaux sociaux ?
YG : Certaines personnes y arrivent rapidement et seules, curieusement ce n’est pas forcément le cas des jeunes, car apprendre à communiquer de manière professionnelle et dans un cadre d’entreprise est quelque chose de nouveau pour eux. Ils n’ont également pas de contenu, peu ou pas d’expérience. Transition ou l’art de valoriser votre transition personnelle Avec mon Master Management à Grenoble nous avons créé un blog « Digital Me Up », où les élèves écrivent un article tous les mois et qui permet au blog d’avoir un contenu très riche. Aujourd’hui, ils sont donc reliés à un profil de réseaux sociaux. La démarche est donc inverse, il faut montrer de quoi nous sommes capables avant de se présenter. C’est ce que j’ai fait il y a 20 ans en publiant en ligne mon livre « Visionary Marketing », ce qui m’a permis de trouver un job… et de n’avoir eu plus jamais à recommencer.
MG : Est-il nécessaire d’appartenir à des groupes ?
YG : Aujourd’hui les groupes ne sont plus très intéressants, il y a peu de contenu. Mais il faut y être pour échanger et partager des contenus qui pourraient être utiles pour les membres du groupe.
MG : Quels seraient les conseils que vous pourriez donner sur les choses qu’il ne faudrait pas faire concernant l’unicité de l’image digitale et l’adéquation entre cette image digitale et celle du monde réel ?
YG : Là je reviens sur le contenu, si je suis un professionnel de la chasse aux papillons par exemple, je vais éviter de faire un blog sur la faune et la flore en Afrique et en Asie. Il faut que je trouve un sujet suffisamment circonscrit pour être cohérent.
MG : Il faut donc avoir un sujet de niche
YG : Si vous n’avez pas de sujet de niche, il faut pouvoir traiter de différents sujets, mais cela demande un énorme travail pour que chaque article soit cohérent. Si, en revanche, vous avez un sujet de niche, il faudra être beaucoup plus pertinent pour être crédible.
MG : Quels sont les principes à respecter pour une image digitale réussie ?
YG : Une unicité graphique, c’est à dire une photo propre sobre et cohérente. Ensuite il faut un joli titre, par exemple sa compétence principale. Il faut travailler son chapitre de présentation afin de bien montrer ce que vous souhaitez que l’on retienne de vous. Mettre régulièrement à jour son parcours professionnel est également très important pour une parfaite unicité de l’image digitale. Il faut ajouter autour de cela, tout le contenu qui va faire de ce CV un CV enrichi et qui fait que vous n’aurez pas besoin de parler de vous.