Article paru le 18/09/2015 sur la Tribune.
Dans un marché difficile qui pousse les candidats à la suradaptation, avoir plusieurs CV augmente-t-il leurs chances de se faire repérer par les recruteurs ? Les avis divergent.
Faut-il un ou plusieurs CV ? Mireille Garolla, associé gérant Group’3C, spécialiste de la valorisation du capital humain, entend tous les jours cette question. Elle est posée par des personnes en transition professionnelle, parfois prêtes à modifier leur CV pour chaque réponse faite à une annonce, dans l’optique de « coller au mieux » à la demande de l’entreprise.

Plusieurs CV risquent de brouiller votre image…

Sa réponse est un « non » catégorique et elle s’en explique :

« Votre CV est votre signature professionnelle, vous ne pouvez pas changer de discours parce que vous changez d’interlocuteur, votre image en serait irrémédiablement brouillée. » explique Mireille Garolla

Qui plus est, il peut arriver que votre CV soit transmis à quelqu’un que vous ne connaissez pas et qui prendra contact avec vous. Vous n’aurez alors aucune idée de la version du CV qu’il a entre les mains, ce qui n’est pas la façon la plus confortable de vous présenter à un entretien.

Mireille Garolla conseille donc toujours « de confronter sa présentation par des entretiens réseau avant de finaliser son CV et ensuite, de se tenir à la version qui fonctionne le mieux ».

Le sujet est clos. Jusqu’à ce que d’autres avis l’ouvrent à nouveau.

… ou donnent de vous une image dynamique

« Ce sujet amène plein de contradictions. Les réponses dépendent de l’axe de recherche du candidat et de ses compétences », pointe Philippe Saimpert, dirigeant du cabinet de recrutement Capital Ressources.

Si un seul CV est a priori plus simple à gérer que plusieurs, si élaborer ce support demande un effort de synthèse et de hiérarchisation des informations, une capacité à capter d’emblée l’attention d’un recruteur et qu’il vaut mieux donc concentrer ses efforts sur un seul document, les nuances sont permises.
D’abord parce que, dans sa sensibilité et sa façon de travailler, ce recruteur-ci est différent de ce recruteur-là. Ainsi, pour Mariame Marega, RRH chez ARCA Patrimoine, cabinet de courtage en assurance, sortir de son CV standard pour répondre à une annonce spécifique ou pour poser une candidature spontanée, montre « la motivation, la capacité d’analyse, d’adaptation et aussi, du pragmatisme ; face à un CV qui a été personnalisé, je peux me dire que j’ai un candidat qui s’est mis à travailler avant même d’avoir le poste ».
Au-delà de trois CV cependant, votre message va manquer de clarté.

« Sachant qu’un recruteur, quand il doute, vérifie les informations sur Internet, vos différents CV doivent être cohérents avec vos pages sur les réseaux sociaux », prévient Philippe Saimpert.

Ils doivent aussi marquer une réelle différence entre eux – et cela demande beaucoup de justesse, de pertinence et de cohérence dans leur positionnement – puisque chacun est censé privilégier un axe de recherche spécifique.

« Bien conçu, un CV unique est à 90% dans ce qui est attendu »

Toutefois, on peut avoir plusieurs projets professionnels et un seul CV.

« Il vaut mieux parfois en avoir un seul mais bien réfléchi, bien fichu, avec des mots clefs pertinents, que plusieurs qui ne se tiennent pas ; quand il est bien conçu, quand on a bien déterminé sa cible, un CV unique est à 90% dans ce qui est attendu », souligne Caroline Renoux, fondatrice de Birdeo, cabinet de recrutement spécialisé dans les domaines de la RSE, de l’environnement et du développement durable, histoire de rappeler que bien des candidats ont pas mal de progrès à faire en la matière.

Les situations où l’on peut envisager d’avoir plusieurs CV

Des moments du parcours professionnel peuvent justifier d’avoir plusieurs CV. Cela concerne les profils Bac+5 ayant une formation théorique assez généraliste, en contrôle de gestion ou en marketing par exemple, qui offre plusieurs voies à un jeune diplômé. Il peut en début de carrière travailler son CV de façon à se positionner en fonction des opportunités.

Cela concerne aussi « les cadres expérimentés et étiquetés en reconversion, ou ceux qui veulent changer de secteur », note Philippe Saimpert.

Quelqu’un qui a évolué et réussi dans le domaine du traitement des déchets, par exemple, et qui veut aller vers le luxe devra bien orienter son CV de base pour retenir l’attention d’un recruteur.

« Il va ramer, certes, et l’exemple est extrême, mais qu’est-ce qui l’empêcherait de réussir si dans la présentation de son parcours et de son projet, il reste crédible ? », remarque notre interlocuteur.

Certaines fonctions s’y prêtent mieux : celles de la relation et du discours telles que les fonctions commerciales, marketing, communication ; c’est aussi envisageable pour les profils atypiques à cheval sur ces métiers. Nous le déconseillons en revanche aux profils techniques expérimentés (informatique, contrôle de gestion, comptabilité, finance…), sauf dans le cadre d’une reconversion comme nous l’avons dit précédemment.
Dans le doute, vous vous tromperez moins avec un seul CV qu’en tentant la multiplication. Après tout, comme le rappelle Caroline Renoux, « le meilleur moment pour personnaliser, c’est l’entretien ».